30 années de combat pour le droit d'asile avec le CDDHPB
témoignage pour le 30e anniversaire de la naissance du CDDHPB ( Comité pour la défense des droits de l'homme au Pays Basque)J'ai eu la chance et l'honneur de faire partie des premiers adhérents et fondateurs du CDDHPB dès 1984. Je le dois à une combattante d'exception, un de ces personnages tels que l'Histoire est malheureusement avare, malheureusement doit-on dire tant ils sont précieux pour la lutte pour la démocratie : Camille Frossard. Je profite de ces souvenirs pour lui rendre à nouveau hommage, ainsi qu'à sa fille, Claire, toujours à ses côtés. Il faut dire que nous avions une connaissance commune : son cousin Yves Dechezelles, grande figure du barreau de Paris, l'un des illustres défenseurs des militants algériens durant la guerre d'Algérie. J'étais alors militant d'une organisation trotskyste, l'OCI devenue par la suite PCI et chargé à ce titre des questions du combat démocratique, défense des travailleurs immigrés, des sans-papiers, des kurdes, et bien entendu, de par mes origines, défense des militants basques.Nous nous connaissions donc Camille et moi depuis avant même la création du CDDHPB. D'ailleurs, parallèlement à la création ici en Pays basque du CDDHPB, j'ai participé activement à la création à l'échelle nationale du CNDTI ( comité national pour la défense des travailleurs immigrés) En conséquence de quoi, j'étais en quelque sorte, habitant Paris, l'un des correspondants du CCDHPB en région parisienne, tâche que je partageais largement avec des personnalités qui étaient, pour moi jeune militant, des références que je respectais et admirais, tels Yves bien sûr, mais aussi Denis Langlois, Gilles Perrault, Michel Leiris, Jean Rouch etc.
Ce fut la triste époque des premières extraditions, dont il faut rappeler qu'elles furent l'oeuvre du gouvernement Mitterrand-Fabius, dès 1985. nous n'avons pas ménagé nos efforts pour dénoncer ces extraditions, tenter de nous y opposer. En voici un exemple ci-dessous :
( photo archives personnelles Pedro Carrasquedo)
Le 30 octobre 1986, une délégation composée de Gilles Perrault, Denis Langlois, Alain Challier, sculpteur, Hélène Carrera-Rubinstein, avocate, Pedro Carrasquedo, journaliste, et le docteur Pierre Debat, se rend au ministère de l'Intérieur pour protester contre les expulsions de militants basques selon la procédure d'urgence absolue. Elle est reçue par M. Patrick Stefanini, attaché de cabinet de Charles Pasqua, ministre de l'Intérieur. La discussion est âpre ( légende issue des archives personnelles de Denis Langlois)
Triste période en effet, qui n'a cessé de nous mobiliser, jusqu'à aujourd'hui d'ailleurs, sans discontinuer. Ainsi en 1992, Les arrestations de réfugiés basques en France se poursuivent. Fin janvier 1992, a lieu une nouvelle rafle. Pour la première fois, un curé, François Garat, est arrêté, de même que le Président d'Anai Artea, Michel Mendiboure, et son épouse Mari Bittori Garaia. Ils hébergeaient des réfugiés basques.
"Informations ouvrières", 5 février 1992.( archives personnelles et de Denis Langlois)
Compte-tenu de la situation, Denis Langlois, actif adhérent du CDDHPB lui-aussi, et moi-même prenons une initiative :
" Le 2 mars 1992, Denis Langlois et Pedro Carrasquedo, journaliste d'origine basque, lancent un Appel pour la négociation au Pays Basque.
Des contacts sont pris notamment avec ETA et une note des dirigeants de cette organisation est transmise à Denis Langlois. Celui-ci répond par le même canal. Le texte de l'Appel est examiné à nouveau par la direction d'ETA. Une décision est sur le point d'être prise. " Visiblement, ça ne plaît pas aux gouvernements français et espagnol. Le gouvernement français arrête à Bidart plusieurs dirigeants d'ETA pour briser ainsi une dynamique de paix négociée. Et, comme le relate Denis Langlois dans ses archives personnelles :
" Le 12 mai 1992, le journaliste Pedro Carrasquedo est arrêté (ainsi que sa femme Françoise). Il est inculpé de "participation à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste" pour aide à ETA. Denis Langlois, en tant qu'avocat, demande sa libération, assurant que les contacts pris par Pedro Carrasquedo l'ont été dans un but pacifiste, pour parvenir à une solution négociée du conflit basque. Ayant eu les mêmes contacts, il s'étonne de ne pas être inculpé lui aussi. "
Bulletin du Comité de Défense des Droits de l'homme en Pays Basque, juin 1992 (article de Camille Frossard).
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Le 14 mai 1992, Pedro Carrasquedo est libéré. Mme Laurence Le Vert, la juge d'instruction, reconnaît que l'arrestation des dirigeants d'ETA constitue un coup d'arrêt à l'initiative de l'Appel pour la négociation. " ( archives personnelles Denis Langlois)
En 1995, au méga-procès de 85 inculpés pour " Association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ", je serai relaxé avec quelques autres compagnons d'infortune pendant que plusieurs dizaines de militants bretons seront condamnés à plusieurs mois de prison. Je n'oublierai jamais leur courage et leur détermination.
Dans toute cette période, le CDDHPB, avec Caire et Camille furent à mes côtés. Et moi, je continue avec vous, avec Claire, dans une période où il est temps que vienne, enfin, une solution politique négociée pour laquelle, dès 1992, j'ai lutté avec Denis Langlois et beaucoup d'entre vous. Longue vie au CDDHPB !
Pedro Carrasquedo
17 juillet 2014
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Yves Dechezelles, avocat honoraire.
À Monsieur le Président de la XIIe Chambre Correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris
Monsieur le Président,
Permettez à un citoyen, avocat retraité, de m'adresser à vous pour exprimer le grave sentiment qu'il éprouve alors que va s'ouvrir le procès de 80 personnes prévenues de participation à une " association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. ".
Cette qualification d'association de malfaiteurs, je l'ai vue trop souvent employée à l'encontre de militants porteurs d'un idéal de libération. D'ailleurs, j'ai retrouvé plus tard certains d'entre eux qui avaient accédé dans leur pays aux plus hautes fonctions de l'État.
Encore moins concevable est-il de qualifier de malfaiteurs des personnes qui ont cru devoir accomplir un geste humanitaire en acceptant de donner accueil à des réfugiés politiques.
Au fond de l'affaire est la mise en cause du droit d'asile, ce droit antique consacré à notre époque par les conventions internationales.
Pendant longtemps les militants basques qui revendiquaient le droit à l'autodétermination et avaient toute raison de craindre, de ce fait, des persécutions de toutes sortes, pouvaient obtenir en France le statut de réfugié. Mais est venu le temps où le bénéfice de ce statut leur a été systématiquement refusé. La raison n'en était pas dans une avancée vers un certain respect du droit. Bien au contraire. Les prisonniers politiques basques ont continué de subir des traitements inhumains.
À cela il faut ajouter le rôle joué par le GAL, cette organisation qui recrutait des mercenaires chargés d'abattre, où qu'elles soient, en France, les victimes désignées. Ont été ainsi commis plus de vingt assassinats.
l'affaire est si grave et les responsabilités policières et politiques engagées sont si hautes que le pouvoir espagnol en est encore ébranlé.
Mais alors, quand je considère toutes ces circonstances, je ne puis croire que les personnes poursuivies dans ce procès puissent être condamnées pour un geste de profonde humanité.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes sentiments respectueux.
À Paris, le 12 novembre 1995.
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