La poudrière - Tous ensemble, en même temps, pour le retrait total de la loi El Khomri
La crise politique fait rage. Personne ne le niera. Né dans les conditions de cette crise politique totale, précipité par elle dans une fuite en avant, le projet Khomri porte cette crise à son point de Curie 1. Ce qu’il est convenu d’appeler « la classe politique » est dans tous ses états. Tous sont effrayés par la conséquence à court terme ou « différées » de cette loi qui, d’un seul trait rageur, entend rayer 150 années de combat du mouvement ouvrier et démocratique. Pour bien des défenseurs de l’ordre établi, ce n’est pas « réformer » que de créer un climat potentiellement insurrectionnel.
Martine Aubry, Maire de Lille, ancienne ministre des 35 leurres, fille de Jacques Delors, n’a rien d’une syndicaliste, d’une gauchiste ou du défenseur de la veuve, de l’orphelin et de l’ouvrier. Elle a pourtant commis dans le Monde une tribune libre au vitriol contre la loi « travail » (il faudrait dire, la loi Kapital). Au lendemain de cette Tribune, le tollé est général et Valls éructe (il faut dire aussi que c’est son habitude : ses nerfs sont à feu et à sang, selon les sources proches de son chevet politique)2.
« les vieilles recettes de 1996 »
La bonne dame de Lille récidive : « Je ne vois pas pourquoi on l'appelle la loi El Khomri, je ne pense pas que c'est elle qui l'a écrite ! (...) Le contenu ne correspond pas aux demandes des entreprises, on y retrouve toutes les vieilles recettes du CNPF (ancêtre du Medef), de 1996 ».3 Martine Aubry est appuyée dans sa « fronde » par Daniel Cohn-Bendit, pourtant fervent défenseur de l’Union Européenne, de ses Traités et se directives.
Plus prudente qu’il n’y paraît, elle aura tout de même attendu que des langues « érudites » se délient. Le 19 février, Attali devait lui-même s’exclamer « Si on voulait saboter l’idée de la flexibilité du travail, on ne s’y serait pas pris autrement. Certaines des mesures que contient le projet de loi sont fort utiles, mais leur présentation est tellement caricaturale que j’en viens à me demander si ce n’est pas fait exprès pour que le projet échoue. » Attali, attaché culturel des cercles dirigeants du Capital financier, s’il en est. Passons à un homme de droite qui fut salement échaudé en novembre-décembre 1995 et qui voit Valls-Khomri opter pour la même méthode que lui il y a 20 ans : Alain Juppé ! « "Même si il y a des choses qui vont dans la bonne direction", le projet de loi sur la réforme du travail du ministre Myriam El Khomri est, selon le maire de Bordeaux, "improvisé, mal préparé, mal équilibré". "On a l'impression qu'à l'approche des élections présidentielles ce gouvernement est pris d'une sorte de frénésie de législation, essayant d'ailleurs de piquer des idées plutôt à droite qu'à gauche" », a dit Alain Juppé, estimant que ce texte "n'est pas d'inspiration socialiste » Il y voit « un signe d'une improvisation extraordinaire et une absence totale de consultation qui provoque un tollé du côté des organisations syndicales. Et on peut le comprendre puisqu'il est plutôt d'inspiration libérale ». 4
« Etat de guerre civile entre socialistes »
La réaction de Valls à la Tribune d’Aubry vaut tout aussi bien son pesant d’or. Drapé dans sa dignité, « droit dans ses bottes », il y voit une remise en cause globale de sa politique. A la suite des « sorties » de Martine Aubry, un proche de Valls déclare dans « Le monde » :
« C’est affligeant. On est à peine un an avant la présidentielle et on passe encore notre temps à se taper dessus entre socialistes, plutôt qu’à taper sur la droite et le FN », déplore l’un d’eux. « C’est la baie des Cochons version PS 2016. Mais qui va appuyer le premier sur le bouton atomique ? Tout ça va mal finir. » 5 Le Monde évoque un « état de guerre civile entre socialistes »6
Fillon, ci devant Premier ministre, s’effraie
« « Redoutez-vous un mouvement social ? » « En tout cas, cela démarre bien mal. Il serait dramatique qu’en bâclant la réforme le gouvernement provoque des désordres et finisse par reculer, rendant ainsi plus difficile une vraie réforme du droit du travail ». 7 »
« Ça démarre mal » Fillon
Devant nous se dessine le spectre de novembre 1995 : une France qui, selon l’expression de l’époque, est « en dépression nerveuse », une « réforme » qui attaque tous les salariés, en bloc et en détail et une attaque « particulière » contre les cheminots. Fillon n’a pas tort : « ça démarre bien mal »
Dès lors, tous les regards se tournent vers les directions syndicales.
Le 18 février, sur le plateau d’Europe 1, Jean Claude Mailly s’avance prudemment, marchant sur des œufs, déplorant le manque de concertation préalable, pointant un désaccord sur « certains points clé » et lâchant dans la conversation, d’un ton placide: « Je ne conçois pas qu'un syndicat quel qu'il soit puisse accepter l'intégralité du texte » ouvrant ainsi une porte à la « négociation ». Cinq jours plus tard, il se montre plus tranché dans Les Echo : «Vous en demandez le retrait ?Inamendable, ça veut dire qu’on est prêt à une bagarre et que nous demandons son rejet.» 8
La poussée des masses
Le 22 février, s’est tenu une intersyndicale, intégrant …la CFDT. Le Berger du MEDEF, le loup dans la bergerie. La déclaration commune qui s’en suit porte la marque honteuse de la CFDT : « construire des droits nouveaux », ce qui revient à dire sous une forme aguicheuse : renoncer aux droits anciens et négocier le poids des chaînes de l’esclavage salarié !
Tollé dans la CGT ! Stupéfaction d’apprendre qu’une journée d’action est envisagée le 31 mars alors que le projet de loi est présenté le 9 mars au conseil des ministres, que ce jour-là les cheminots poseront le sac contre l’ « avant-projet décret socle » qui anéantit leur réglementation du travail (un projet calqué sur le projet Khomri). Grève à la RATP, ce jour-là également. Tandis que dans les facs se propage l’appel à descendre dans la rue ce jour-là pour le retrait de la loi Khomri. Relayé par le site CGT-Infos-Com.
L’aspiration montante au 9 mars traduit la volonté du Tous ensemble, le même jour, au même endroit. En effet, pourquoi faudrait-il attendre le passage à l’heure d’été ?
La poussée des masses, répercutée par les militants syndicaux, par les militants ouvriers Lutte de classes, est manifeste.
L’Exécutif s’est placé de lui-même sur une poudrière. C’est ce gouvernement qui vient de déclarer la guerre à tous les salariés de ce pays, à tous les jeunes dont il détruit l’avenir.
Comme le note France TV –Info « Projet de loi El Khomri : comment le gouvernement a réussi à se mettre tout le monde à dos - Elus socialistes, syndicats, simples citoyens... Tous se mobilisent contre la réforme du droit du travail qui doit être présentée en conseil des ministres le 9 mars . »9
C’est cette poussée des masses qui se réfracte dans toutes les institutions, appareils au bord de la dislocation
L’aspiration est nette, née dans le creuset «abstentionniste»:
Tous ensemble, en même temps, au même endroit, dans un seul but :
Le retrait total, définitif, du projet de loi travail, face à ce gouvernement capitaliste.
1 Dans un matériau ferromagnétique ou ferrimagnétique, la température de Curie, ou point de Curie, est la température TC à laquelle le matériau perd son aimantation spontanée. Au-dessus de cette température, le matériau est dans un état désordonné dit paramagnétique. Cette transition de phase est réversible ; le matériau retrouve ses propriétés ferromagnétiques quand sa température redescend en dessous de la température de Curie. En revanche il a perdu son aimantation, même s'il peut être à nouveau magnétisé.
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