Pour Pedro
(Pedro Carrasquedo 1951-2015)
Dans la nuit de ce lundi 26 octobre au 27, notre frère d’arme, notre ami, notre camarade Pedro Carrasquedo nous a quittés après avoir mené pendant quatre années, pied à pied, un combat acharné contre la maladie. Ce combat était animé tout entier par la volonté de poursuivre la lutte politique «jusqu’à son dernier souffle», avec un optimisme lucide.
Dans ce « dernier combat », chaque jour de plus était un jour de gagné pour défendre nos positions, intervenir dans la lutte des classes, impulser au travers de La Commune «une organisation qui se construit en toute indépendance et en toute liberté, résolument anticapitaliste, internationaliste, antibureaucratique et démocratique. Un parti au service de toute la population laborieuse et pauvre et de ses besoins immédiats, vitaux et fondamentaux. Un parti de femmes et d’hommes libres qui s’inscrit dans la continuité du combat séculaire pour libérer l’humanité des chaînes de l’exploitation et du joug de l’oppression.»
Pendant 50 ans, il a été « un soldat de la IV ème internationale », un noble cœur au sens fort du mot. Notre tristesse est immense. Nous sommes bouleversés. Nous sommes sous le choc. A nous, ses camarades, il revient de restituer la continuité sans faille de sa parole, de sa pensée et de ses actes, sur le front théorique comme sur le terrain pratique de la lutte quotidienne qui pour lui ne faisaient qu’un. Pedro, qui nous a tant appris, mêlant l’érudition à la pédagogie vivante, mêlant la transmission de ses connaissances à l’épigramme. Pedro, un combattant chaleureux, un soldat de la IV ème internationale. A toujours, Pedro !
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« J’appelle mes amis et camarades à poursuivre le combat, engagé par certains d’entre eux depuis près de 50 années à mes côtés. Je les appelle à lutter pour la continuité du trotskysme et donc de la IV° Internationale qui reste à construire.
J’appelle mes amis et camarades à poursuivre le combat contre le stalinisme et son poison au sein du mouvement ouvrier, cristallisé en particulier par ses rejetons bâtards que sont le pablisme et autres liquidateurs. Social-démocratie, stalinisme et leurs satellites seront balayés par la classe ouvrière. C’est une certitude. J’appelle mes camarades à la continuité de la loyauté envers notre Internationale, le MST d’Argentine.
Je salue mes amis et camarades qui sont et seront, je le sais, fidèles jusqu’au bout à nos principes. »
Testament olographe de Pedro Carrasquedo, 16 septembre 2014.
Le 27 octobre à 6 heures du matin, Pedro s’est éteint, emporté par la maladie contre laquelle il a lutté pendant quatre ans. Quatre années pendant lesquelles il n’a cessé de mener le combat engagé depuis le lycée pour l’émancipation de la classe ouvrière et la construction du Parti. Il a été incinéré, le 30 octobre à Dax, en présence de ses fils, de sa compagne, de sa sœur, de ses amis, de ses camarades, tous présents pour lui rendre hommage. Une cérémonie du souvenir a été organisée le 3 novembre, aux Archives nationales.
Jean-Paul Cros, le 4 novembre 2015.
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HOMMAGES
Alejandro Bodart et Sergio Garcia
pour la Direction Nationale
du MST d’Argentine
Chers camarades de La Commune,
Nous avons reçu l’inattendue et triste nouvelle du décès du camarade Pedro. Nul doute, qu’il s’agit d’une mauvaise nouvelle pour les révolutionnaires en général et plus particulièrement pour notre courant dont Pedro était l’un de ses constructeurs les plus tenaces.
La perte irréparable d’un cadre dirigeant comme lui, avec ses qualités militantes et humaine, est particulièrement douloureuse. Mais, comme l’indique notre tradition, nous allons recueillir ses contributions, son expérience accumulée pendant des années dans le mouvement ouvrier, au niveau syndical en tant que membre du Bureau national de la CGT Culture et, surtout, de dizaines d’années de diverses expériences politiques dans l’un des centres du trotskysme international.
De près ou de loin, avec Pedro nous avons partagé la tache clé et passionnante de développer un courant internationaliste : luttes politiques, voyages, réunions, congrès et tant d’autres événements. En dépit de toutes les difficultés, nous avons toujours vu en Pedro un militant révolutionnaire enthousiaste. Aujourd’hui nous gardons dans notre mémoire sa participation, il y a quelques mois, avec Wladimir, au 9° congrès du MST argentin, que Pedro considérait comme son organisation sœur.
Sa mort est un coup dur pour La Commune et pour notre défi commun celui de construire une direction internationale. C’est pour cela que dans ce moment difficile nous voulons vous dire que vous pouvez compter sur nous pour tout ce dont vous aurez besoin. La tâche à laquelle Pedro s’est consacré toute sa vie, doit se poursuivre avec la même conviction et le même effort collectif.
Au nom des dirigeants et des militants du MST-Nouvelle Gauche nous vous transmettons une très grande accolade pour tous les camarades de La Commune, les parents et amis de Pedro.
Camarade Pedro Carrasquedo, vers le socialisme toujours !
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Ricardo Napuri,
homme politique péruvien d'origine argentine, l'un des derniers secrétaires de Che Guevara
L'annonce du décès de Pedro m'a profondément attristé. Il fut un camarade et un ami dès les premiers jours de mon exil en France. Je me suis toujours remémoré ces moments avec émotion. J'adresse toutes mes condoléances à sa famille et à ses camarades de lutte.
Salutations fraternelles,
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Laurent Mauduit,
journaliste, co-fondateur de Mediapart
Comme pour tous ses amis, le décès Pedro Carrasquedo m’a ému et bouleversé. Pour une double raison, dont je voudrais ici témoigner. Une première raison qui a trait à notre passé, à notre jeunesse. Et puis, une seconde raison, qui a trait à ce que nous sommes devenus, empruntant chacun des chemins différents, mais gardant, contrairement à d’autres, les mêmes valeurs chevillées au cœur. De Pedro, je garde d’abord un premier souvenir, très fort, celui de nos jeunesses communes, à l’époque où nous étions l’un et l’autre, avec tant d’autres camarades, militants de l’Organisation communiste internationaliste. Sans doute étions-nous candides ou naïfs à l’époque – bien que nous ne pensions pas l’être ; sans doute avons-nous tardé à mesurer le sectarisme qui gangrenait l’organisation dans laquelle nous nous étions engagés. Et quand nous en avons pris la mesure, sans doute était-ce trop tard – et Pedro en a payé un lourd tribut. Mais avec le recul, ce n’est pas cette naïveté partagée qui me revient à l’esprit. C’est d’abord la générosité de nos engagements collectifs. Nous rêvions de faire la révolution ; nous rêvions de changer le monde. Et dans cet espoir, nous nous dépensions sans compter. Et Pedro le premier, qui y a consacré toute sa vie.
De Pedro, je garde donc le souvenir du militant que je côtoyais en permanence dans la cour du « 87 », puisque c’est ainsi que nous dénommions le local de l’OCI. De ce militant dévoué mais aussi joyeux, qui était l’une des figures de notre mouvement.
Et puis de Pedro, je garde un second souvenir, plus proche, plus récent. Car après s’être perdu de vue pendant plus de vingt ans, nous nous sommes retrouvés l’an passé. L’un et l’autre avons chacun mené nos chemins différemment, mais nous nous sommes vraiment retrouvés, partageant sinon les mêmes convictions partisanes mais assurément les mêmes valeurs.
Car c’est sans doute l’une des marques tristes de l’histoire de notre génération : beaucoup de nos anciens camarades ont sombré en chemin. Quelques-uns ont fait carrière, jetant par dessus bord, sans le moindre scrupule, les valeurs qui étaient les leurs, pour devenir de médiocres petits notables. D’autres se sont détournés plus simplement de la politique…
C’est dire le plaisir immense que j’ai eu à retrouver Pedro, l’an passé. Car s’il était resté militant, et si moi je suis devenu journaliste, nous avons eu le sentiment, je pense l’un comme l’autre, d’êtres restés très proches. D’évoluer toujours dans un même univers. D’être animés, chacun dans nos métiers, par la même générosité. Le même souci de la transformation sociale…
En bref, dans un monde qui a tellement évolué, j’ai retrouvé Pedro, comme s’il n’avait pas changé, même s’il a sûrement beaucoup appris des violences et de souffrances de la vie. Un Pedro qui avait fait un très long chemin, qu’il m’a raconté, du NPA jusqu’à la Commune, mais qui est resté toute sa vie fidèle à ce qu’il était.
Fidèle aux valeurs que nous défendions ! C’est, au fond, l’image la plus forte que je garde de Pedro Carrasquedo, notre ami, notre camarade. Pedro qui a traversé toute sa vie la tête haute et auquel je veux, pour cela, ici rendre hommage.
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Benjamin Stora,
historien
La mort de Pedro me touche profondément.
Nous avons le même âge, et nous nous sommes connus dans l’effervescence politique du début des années 1970.
Alors jeunes militants trotskistes, très engagés ensemble dans tous les combats, contre l’impérialisme qui sévissait au Vietnam ; contre le capitalisme, qui ne voulait qu’augmenter ses taux de profits, au détriment du plus grand nombre ; contre la bureaucratie stalinienne qui pourchassait les femmes et les hommes libres à l’Est de l’Europe…. Et aussi, bien sûr, et surtout pour Pedro, contre le régime franquiste qui entendait briser le droit des peuples à disposer de leur sort.
Révolutionnaire communiste, républicain, basque, Pedro était énergique, courageux, y compris sur le plan physique, contre tous ceux qui voulaient entraver la marche de l’histoire, pour la civilisation, contre la barbarie.
Nous avons accédé ensemble aux mêmes responsabilités à l’OCI, permanents, puis membres du Comité central. Et puis nos routes ont divergé à la fin des années 1980. Mais pendant près de vingt ans, près de lui, j’ai pu observer ses talents d’organisateur, son sens de la formule, son humour, ses fidélités en amitiés.
J’ai revu Pedro dans les moments les plus sombres de sa vie, pour sa famille et lui-même au cours des années 1990. J’ai immédiatement pris position en sa faveur au moment de son arrestation. Il ne l’oubliera jamais. Puis, nous nous sommes parlés, lus, tout au long des années 2000, au moment de l’existence du journal La Commune.
Il n’évoquait que rarement sa terrible maladie, me disait poursuivre ses combats ; et dans sa dernière lettre, au début de l’été, me parlait de son « indéfectible amitié ».
Au revoir Pedro, homme courageux, de principe, d’espérance.
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Jacques Kirsner,
cinéaste producteur
Chers amis et camarades,
Pedro était un lutteur. Pedro était un ami. Je me souviens lorsqu’il était inculpé et que j’étais venu témoigner à son procès il ne pouvait s’empêcher de discuter avec moi des prochaines échéances politiques sans même attendre le verdict.
Orateur, journaliste, évidemment dirigeant syndical, Pedro s’était reconstruit après les années terribles comme permanent de l’OCI. Quand il venait à Paris, nous déjeunions ensemble. Je l’interrogeais sur sa maladie, il était lucide mais déterminé. La lutte politique était je crois son meilleur médicament. Nous avions des désaccords mais les militants sincères ont la plupart du temps des nuances ou des différends. C’est la nature même du débat démocratique.
Pedro m’avait fait part de la volonté de la « Commune » de participer à la discussion sur la crise de l’OCI et de publier ses points de vue sur le site du Club La Bastille. Évidemment nous tiendrons cet engagement.
Pedro était un ami, un combattant. Hommage à lui.
Amitiés à tous.
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Denis Langlois,
avocat
Quelle tristesse ! Que de luttes menées ensemble pour le Pays Basque et la Révolution ! Tout cela restera inscrit en nous.
Fraternellement.
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Texte d'au revoir à Pedro
Au nom de ses camarades et amis de Pau
Pedro,
Souvent, tu m'as dit que les basques et les bretons étaient faits pour s'entendre!
Tu rajoutais alors, avec ta malice coutumière, que
"Nous, Basques, nous pêchions la baleine et les bretons, la morue!
Il y avait sans doute, en plus de ton humour, une part de chauvinisme culotté de tendre moquerie dans tes derniers propos, mais, une chose est sûre, Pedro, tu t'intéressais à tout. Tu t'intéressais à tout ce qui avait une vague forme d'hominidé, qu'il soit breton, lappon ou patagon...
Ta passion véritable, ton centre d'intérêt essentiel, ça a toujours été l'humain, qu'il soit homo sapiens ou néanderthalien! Le moteur de ta vie a toujours tourné à plein régime pour une seule cause: rendre service à l'humain en détresse, soutenir l'humain affaibli, le supposé faible, humilié par le prétendu fort, combattre partout et tous les jours ceux pour qui l'humain n'est plus un but mais un moyen pour assouvir leur gloutonnerie!
Cette lutte inouïe, toujours recommencée, tellement inégale, je t'ai toujours vu la mener avec entrain, sans aucune faiblesse, sans jamais baisser les yeux, sûr de ton bon droit et de la noblesse de ta cause: il est vrai que c' est la part humaine de chacun qui est en jeu, celle des autres et la tienne aussi.
"Il faut renverser des montagnes, et alors!"
Rien ni personne ne pouvait te freiner.
" Les seuls combats perdus sont les combats qu'on n'a pas menés!"
Tu nous l'as assez répété, ça! Mais tu l'as surtout prêché par l'exemple!
Absolumment rien ni personne n'aurait pu t'empêcher d'agir si tu jugeais que la situation le méritait, que la part humaine d'un tel ou d'un tel pouvait subir des préjudices insupportables. D'ailleurs, pour ne parler que du château, qui n'est pas redevable au moins une fois de l'action de Pedro, qui dans ce musée n'a pas été sorti un jour de l'ornière par Pedro, qui n'a pas été dans ce Domaine-Château, un jour, défendu d'une injustice par Pedro? Qui?
Et l'ingratitude, qui était souvent ton seul remerciement, n'a jamais tiédi ton ardeur!
Quelle chance de t'avoir croisé! Quel privilége d'avoir partagé quelques précieux moments avec ce véritable combattant, ce vrai soldat du quotidien, sans breloques ostentatoires sur la poitrine mais avec de franches cicatrices à l'âme et au coeur!
Ces instants passés au sous-sol devant un café ou à la formation sur les banquettes, sont parmis les plus beaux vécus au Château quand tu nous contais ton enfance en Espagne, les vacances en Aragon, Saint-Sébastien et la Concha, le Pays Basque, la banlieue parisienne, ton père électricien dans le froid du petit matin sur les chantiers, en lutte contre les mauvais patrons, et les "jaunes", portugais, tes débuts de syndicaliste quand les vieux cégétistes t'éjectaient des tribunes...tu m'as même fait rire en me racontant tes vacances d'été à Brest, au camping avec tes parents, et comme tu avais eu froid sous le crachin de juillet, et c'est une gageure de faire rire un expatrié breton sur le dos de la douce météo du pays! Mais tu avais cette qualité si rare du mémorialiste livrant la vérité de son vécu.
Je te revois à l'inauguration du musée basque, à Bayonne, fendant la foule pour atteindre la ministre, Catherine Tasca à l'époque, et personne n'a pu t'arrêter, et personne n'a pu te suivre, ni Benoit, ni notre pauvre Henri!
Je me souviens aussi de la formation que tu nous avais dispensée au Château de Pau, sur les mouvements ouvriers et syndicaux français, et là, on avait intérêt à rester attentifs, Pedro ne plaisantait pas quand le sujet tournait autour du Congrès de Tours ou des luttes des cannuts à Lyon.
Ton soucis constant a été de nous transmettre ton énergie, et quand je vois Wlad aux Archives et Thierry au Château, je me dis que ton travail n'a pas été vain. Même pendant ces quatre dernières années terribles, où tu as dû te concentrer sur des luttes plus personnelles, tu restais disponible et prêt à nous aider.
Finalement les "jaunes", qu'on appelle maladies, t'ont eu, les salauds, les traitres, par derrière, avec des armes rouillées, et toi tu luttais, comme toujours, à mains nues.
Nous continuerons le combat, Pedro, les camarades sont là, abattus mais déjà debout, avec encore un peu plus de force et de conviction, la part magnifique que tu nous a léguée:
"Les seuls combats perdus sont les combats qu'on n'a pas menés!"
Pau, le 30 octobre 2015
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Hommage de la CGT-Culture
PEDRO CARRASQUEDO NOUS A QUITTÉS
Chers amis, chers collègues,
C’est avec infiniment de tristesse et de douleur que nous avons appris la disparition de notre camarade, de notre frère de combat, de notre ami, Pedro CARRASQUEDO.
Après avoir lutté courageusement pendant quatre ans contre la maladie, Pedro s’est éteint dans la nuit du 26 au 27 octobre 2015.
Né en 1951 à Saint-Sébastien, Pays basque (Etat espagnol), Pedro est arrivé en France avec sa famille à la fin des années 1950. Il a grandi à Paris dans le quartier populaire de Belleville. Hasard de la vie, la famille élit domicile rue Ramponneau, là même où se dressait « la dernière barricade » de la glorieuse Commune de Paris de 1871.
Refusant l’exploitation, l’oppression et la misère à laquelle sont réduits les ouvriers (son père est électricien, sa mère couturière), Pedro s’engage jeune dans le militantisme. Elève au lycée Voltaire, alors âgé de 17 ans, Pedro participe activement à la grève générale de mai 1968. Il sera d’ailleurs le dernier Secrétaire du cercle de la Fédération des Etudiants Révolutionnaires (FER) du Lycée Voltaire (la FER, comme des dizaines d’organisations, est dissoute par décret le 12 juin 1968). En 1969, le bac en poche, Pedro entre à l’Université Paris IV-Sorbonne et intègre l’Institut Hispanique où il s’inscrit en licence, puis en maîtrise. « Naturellement », Pedro milite au sein du syndicat étudiant UNEF (FGEL, et GEE que Pedro dirige). En 1971, Pedro participe à la création de l’UNEF-Unité syndicale.
En 1974, sollicité par son parti, l’Organisation communiste internationaliste (OCI), Pedro interrompt ses études pour devenir permanent au siège national. Il y occupera des responsabilités politiques de premier plan (entre autres, membre du comité central ; responsable d’activités internationalistes Amérique latine/Catalogne/Pays basque ; responsable de régions ; journaliste pour Informations ouvrières) jusqu’en 1992.
Lauréat d’un concours de la Fonction publique, Pedro intègre le ministère de la Culture en 1993, en tant que secrétaire de documentation-archiviste, aux Archives départementales de Seine-et-Marne (77).
En 1994, Pedro rejoint les Archives nationales de Paris et se syndique immédiatement à la CGT-Archives. Amical, chaleureux, drôle, respectueux, convivial, profondément humain dans ses relations avec chacun, Pedro fut spontanément reconnu par tous comme un combattant syndical déterminé, pugnace, lucide, intransigeant, animé d’une droiture morale sans faille, disponible, apportant son aide à tous ceux qui en avaient besoin.
Ainsi, en avril 1995, soit à peine un an après son arrivée, Pedro est appelé à diriger la plus importante grève que les Archives nationales avaient jamais connue. Avec un taux de grévistes de 70 % et après deux semaines d’une grève sans précédent, la victoire est totale : plus de 60 créations de postes de fonctionnaires sont arrachées ! Du jamais vu aux Archives ! Pedro intègre alors les instances de direction de la CGT-Culture (Commission Exécutive et Bureau National) au cours de son 4e Congrès, réuni au mois de juin 1995.
Puis Pedro dirige la grève générale de novembre-décembre 1995 aux Archives contre le « Plan Juppé », la contre-réforme des retraites et l’étatisation de la Sécurité-sociale. Chaque matin pendant près d’un mois, Pedro anime les AG, organise la lutte, fait acte de pédagogie en rappelant ce que sont la lettre et l’esprit des bases fondatrices de la Sécurité-sociale de 1945, son mode de financement, ce qu’est le salaire différé… Durant tout ce mois de décembre 1995, les Archives resteront portes closes, les agents reconduiront quotidiennement la grève en AG, rejoignant en manifestation le flot des millions de grévistes.
Grâce à sa compréhension fine des événements et des tâches qui en découlent, son charisme, son autorité, ses talents oratoires, sa plume, sa gentillesse, Pedro fait l’unanimité autour de lui. Digne successeur de militants CGT de premier ordre - à l’instar de notre camarade Jean-Marc Canon, actuel Secrétaire général de l’UGFF-CGT - Pedro est élu Secrétaire général de la CGT-Archives en janvier 1996. Le nombre de syndiqués explose, les résultats électoraux sont au plus haut, une génération de militants naît.
Car Pedro est, d’abord et avant tout, un constructeur, un rassembleur, un militant qui a confiance en sa classe, un militant qui rend les travailleurs conscients de leur propre force. Un militant qui défend un syndicalisme de classe et de masse. Un militant authentique du « TOUS ENSEMBLE ! »
Pedro est aussi un intellectuel, un érudit, un esprit fin doué d’une capacité de travail et d’un sens de la synthèse impressionnant. Excellent professionnel, il est reconnu par ses pairs archivistes et sera élu à six reprises, représentant titulaire du personnel au sein des commissions administratives paritaires de sa filière.
En janvier 1999, Pedro sera amené à quitter les Archives nationales. Il rejoint alors le Musée national du Château de Pau (64).
Bien sûr, les autorités administratives des Archives se sont réjouies du départ de Pedro, misant sur une rapide reprise en main… L’espoir fut aussi vain que bref ! La continuité de l’action syndicale CGT a été assurée aux Archives nationales par notre camarade Robert DUCROT, membre du Bureau National de la CGT-Culture, qui a admirablement assumé la périlleuse « succession ». Mieux, et comme le pensait Pedro, les « rejetons » nés du syndicalisme Lutte de classes poursuivent aujourd’hui encore l’œuvre entreprise par leurs aînés.
Evidemment, au Musée national du Château de Pau, Pedro a créé la même dynamique qu’aux Archives nationales. Fidèle à lui-même et à ses engagements, Pedro y a développé, là encore, ses qualités de constructeur infatigable, de défenseur inconditionnel, pied à pied, et à chaque instant, des intérêts matériels et moraux des travailleurs. Les mobilisations contre la précarité, les grèves pour des créations d’emplois, contre le changement de statut du Musée, contre les menaces de « vente à la découpe », pour l’amélioration des conditions de travail, pour la défense des acquis, se sont enchaînées, sans relâche.
Au Musée national du Château de Pau, Pedro a exercé les fonctions de bibliothécaire, d’archiviste, de responsable de la communication. Ce sera son « dernier poste de travail ». Mais, à partir de 2011, il doit affronter la maladie. Il l’affrontera sans lâcher prise, en continuant le combat ouvrier, jusqu’à son dernier souffle de vie.
Pour nous tous, Pedro restera, pour toujours, le militant de terrain, le constructeur, le rassembleur, le négociateur. Mais aussi, un dirigeant national. Elu CGT en CAP, élu aux comités techniques paritaires des Directions des Archives de France et des Musées de France où sa finesse d’analyse n’a pas fait que des heureux du côté des « patrons », Pedro a également pris toute sa place au sein des instances nationales dirigeantes de la CGT-Culture.
A ce titre, il nous faut dire que Pedro a toujours souligné l’exemplarité de la CGT-Culture, syndicat qui fait vivre en son sein démocratie ouvrière, liberté de débat, liberté de pensée et rejet du sectarisme.
Avec nous, ses frères travailleurs, Pedro a été en première ligne de tous les combats, de toutes les grèves depuis 1994 : novembre-décembre 1995, contre la précarité au ministère de la Culture en 1999, contre la RTT et les lois « Aubry », contre la « réforme » des retraites de 2003, contre le CPE, contre la réforme des retraites de 2010, contre la casse de la Sécurité-sociale…
Adieu camarade Pedro ! Vive la Confédération Générale du Travail ! Vive la classe ouvrière !
La Commune n° 100
dimanche 08 novembre 2015Sommaire : • Air France : La violence patronale• Editorial : Réforme ou rupture ? • Chronique d'une chute de régime : Hollande, la dictature à tête de veau • Retraites : Accord AGIRC/ARRCO : Accord scélérat ! • Pedro Carrasquedo, membre fondateur de La Commune, nous a quittés... • Pedro Carrasquedo (1951-2015), premiers points de repères biographiques • POI : Gluckstein plus...
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